Violation de la promesse de contracter un contrat d’entreprise :analyse d’une décision de justice du Tribunal fédéral

Un contrat de prêt prévoyait que le prêteur, actif notamment dans la maîtrise d’ouvrage et la direction de travaux, consentait en la mise à disposition de la somme de CHF 50’000.- en faveur de l’emprunteur, développeur immobilier.

Cette somme était nécessaire pour l’emprunteur dans le cadre de l’acompte à verser auprès du notaire devant instrumenter la promesse de vente et d’achat de la parcelle destinée à accueillir le projet immobilier de l’emprunteur.

Ce même contrat incluait, par esprit de « bonne collaboration », l’engagement de l’emprunteur à confier au prêteur les travaux de construction du projet immobilier moyennant (1.) la garantie d’un prix forfaitaire concurrentiel et équivalent au marché genevois actuel et (2.) à entreprendre tout ce qui est en son pouvoir pour pouvoir être reconnu comme « Entreprise Générale » par la banque choisie par l’emprunteur.

Par lettre de l’emprunteur du 25 juillet 2017, celui-ci s’est départit de la promesse de contracter en invoquant un retard de deux semaines dans la remise du contrat d’entreprise générale par le prêteur ; arguant que la signature de l’acte de vente chez le notaire devait intervenir le 31 juillet 2017, il faisait valoir que ce retard mettait en péril l’ensemble du projet et annonçait d’ores et déjà que le contrat d’entreprise générale serait conclu avec une entreprise tierce.

Après plusieurs tentatives de négociation, le prêteur a assigné l’emprunteur en paiement des dommages-intérêts positifs sous l’angle de l’art. 377 CO.

Ayant obtenu gain de cause par-devant les instances judiciaires cantonales genevoises, l’emprunteur a recouru au Tribunal fédéral. 

Notre Haute Cour a retenu que l’engagement de l’emprunteur à confier les travaux de construction du projet immobilier au prêteur constituait une promesse de contracter (ou précontrat) au sens de l’art. 22 al. 1 CO.

Et de rappeler que si le promettant se départit du précontrat, le dommage à réparer est celui que son partenaire contractuel subit du fait de l’inexécution du contrat principal lui-même, soit du contrat d’entreprise, étant toutefois précisé qu’après plusieurs variations dans la jurisprudence, une réduction de l’indemnité due en vertu de l’art. 377 CO, voire sa suppression, n’est plus exclue en cas de justes motifs.

Le Tribunal fédéral a considéré que la thèse selon laquelle le « retard injustifié et injustifiable pris par l’intimée pour transmettre le contrat d’entreprise générale », invoqué dans la lettre de résiliation du 25 juillet 2017, ne trouvait pas d’assise dans le dossier et était contredite non seulement par les déclarations de l’intimée, mais également par les témoignages recueillis et les pièces produites. Ce n’était donc qu’un prétexte.

Il est même allé plus loin en considérant que l’emprunteur a empêché l’avènement des conditions « 1. » et « 2. » précitées sous-jacentes à la conclusion du contrat d’entreprise avec le prêteur en se départissant de la promesse de contracter sans raison valable, se prévalant, contrairement aux règles de la bonne foi, d’un retard inexistant du prêteur dans la préparation du contrat d’entreprise générale. Les conditions devaient donc être considérées comme accomplies conformément à l’art. 156 CO, n’empêchant ainsi pas la naissance de l’obligation de conclure le contrat principal. 

La condamnation de l’emprunteur au dédommagement intégral du prêteur (dommages-intérêts positifs), sous l’angle de l’art. 377 CO, a donc été confirmée, à concurrence d’un montant de CHF 244’778.97.