Sur le feuillet numérique du registre foncier est inscrite une servitude de restriction à bâtir en faveur d’un bien-fonds dont A est propriétaire depuis 2011. Ce bien-fonds surplombe une parcelle voisine, le fonds-servant, sur lequel est construite, sur la partie est, une ancienne bâtisse de deux étages qui s’élève sur plus de quatre mètres de hauteur hors sol. Sur la partie ouest, est construit un garage haut d’environ quatre mètres et demi.
Figure également dans les extraits relatifs à ces deux bien-fonds une rubrique « Exercice des droits » sous laquelle il est indiqué « Selon le registre foncier ».
La servitude de restriction à bâtir prévoyait une interdiction de construire des bâtiments dont la hauteur excéderait quatre mètres dès le sol naturel.
En 2009, au moment de l’informatisation de la servitude de restriction à bâtir au registre foncier, l’emprise au sol n’a pas été limitée. Si la servitude a bien été saisie informatiquement, le plan d’origine qui réduisait l’assiette de la restriction au droit à bâtir n’avait pas été annexé à la servitude.
Lorsque A acquière la parcelle en 2011 (fonds-dominant), elle a uniquement connaissance des informations qui figurent au registre foncier, soit que la restriction en vigueur limitait la hauteur des constructions sur la totalité de la surface du fonds servant.
En 2020, le propriétaire du fonds-servant dépose une demande par-devant le Tribunal civil de l’arrondissement de l’Est vaudois dans laquelle il conclut à la rectification de l’inscription de la servitude de restriction à bâtir en incluant la zone dans laquelle dite servitude s’exerce. Par jugement du 28 février 2022, le Tribunal a admis la demande.
A a formé appel de ce jugement à la Cour d’appel civile du Tribunal du canton de Vaud qui déboute A de ses conclusions.
Devant le Tribunal fédéral, A invoque la violation des art. 738, 973 al. 1 et 975 al. 2CC. L’argument principal de A reposant sur la protection de sa bonne foi en vertu de l’art. 973 al. 1 CC selon lequel celui qui acquiert la propriété ou d’autres droits réels en se fondant de bonne foi sur une inscription au registre foncier est maintenu dans son acquisition.
Notre Haute Cour, commence par rappeler que si l’acquéreur de bonne foi doit être protégé dans son acquisition lorsqu’il s’est fié à une inscription du registre foncier, que la bonne foi n’est toutefois pas protégée de manière absolue. L’état physique et extérieurement visible d’un bien-fonds peut ainsi faire échec à la bonne foi de l’acquéreur dans l’inscription figurant au registre foncier. Il incombe donc à un acquéreur même de bonne foi de se renseigner lorsqu’il existe des circonstances qui lui font douter de l’exactitude d’une inscription.
Dans le cas d’espèce, le Tribunal fédéral a considéré que A ne pouvait pas de bonne foi déduire que la servitude inscrite au feuillet numérisé impliquait une restriction de construire sur la totalité de la surface de la parcelle.
La terminologie même « restriction de bâtir » ne permettait pas à A d’en déduire une interdiction pure et simple et ne permettait en outre pas de déterminer avec précision la nature de la restriction. Face à cet acte peu clair et incomplet il appartenait à A d’aller rechercher des informations complémentaires, de vérifier l’acte constitutif ainsi que le plan, en particulier lorsque le feuillet du registre foncier mentionnait pour l’exercice du droit « selon le registre foncier ».
Ensuite, quand A s’est rendue au registre foncier en 2014, elle avait obtenu la confirmation de l’erreur du feuillet numérisé. Selon l’extrait du registre foncier les constructions sur le fonds servant ne pouvaient excéder les quatre mètres de hauteur dès le sol naturel. Or, la recourante ayant visité les parcelles concernées lors de l’acquisition, cet élément fait échec à toute bonne foi. En effet, elle ne pouvait que comprendre que les bâtiments construits sur le fonds dominant étaient incompatibles avec la servitude telle qu’inscrite au registre foncier puisque dits bâtiments dépassaient les quatre mètres de hauteur.
Au vu de la contradiction entre les inscriptions figurant au registre foncier informatisé et l’état des lieux physique, A ne pouvait pas considérer que la restriction à bâtir s’étendait sur l’ensemble du fonds servant et face à ces incohérences elle aurait dû procéder à des investigations complémentaires en consultant l’extrait de réinscription et les feuillets papiers des parcelles en cause.
A défaut de l’avoir fait, le Tribunal fédéral a jugé qu’elle n’avait pas fait preuve de l’attention exigée par les circonstances et qu’elle ne pouvait se prévaloir par conséquent de sa bonne foi et a donc débouté A de ses conclusions.