Contrat de bail : distinction entre conclusion et exécution

Une régie transmet un contrat de bail et une formule officielle à un locataire (A). Elle l’invite à retourner ces documents signés. Cela fait, A recevra un exemplaire signé par les deux parties ainsi qu’un BVR pour le paiement du loyer. La régie précise que ce n’est qu’à ce moment que le contrat entrera en vigueur. En effet, le contrat stipule expressément que le bail n’est réputé conclu qu’une fois signé par les deux parties.

Peu après, la régie transmet un exemplaire du bail dûment signé par les deux parties et un BVR. Elle fixe également un rendez-vous pour l’état des lieux d’entrée, et rappelle à cette occasion que la remise des clés est subordonnée à la constitution de la garantie locative prévue par le contrat et au paiement du premier loyer. Pour des raisons personnelles, A se rétracte quelques jours plus tard. Il adresse un courrier de résiliation anticipée et ne se présente pas à l’état des lieux d’entrée. 

Ayant engagé des poursuites à l’encontre de B pour les loyers impayés, A dépose une requête de mainlevée en produisant à cet effet le contrat de bail. 

De la première instance au Tribunal fédéral, il était question de déterminer si l’entrée en vigueur du contrat était subordonnée à la condition du versement du premier loyer et à la constitution d’une garantie locative. Le premier juge saisi a estimé que c’était le cas et a rejeté la requête au motif que la chose louée n’aurait jamais été mise à la disposition de A. 

En deuxième instance, le Tribunal cantonal vaudois prononce la mainlevée en rappelant que le poursuivant qui veut se prévaloir d’un contrat bilatéral doit avoir exécuté ou offert d’exécuter sa propre prestation en rapport d’échange. C’est le cas pour le contrat de bail si le bailleur requérant la mainlevée provisoire pour des loyers échus a mis l’objet du contrat à disposition du locataire.

En l’espèce, l’entrée en vigueur du contrat était uniquement subordonnée à la signature des deux parties, ce que rappelait d’ailleurs le premier courrier de la régie. Le fait que cette dernière ait rappelé ensuite que la remise des clés était subordonnée au paiement du premier loyer et à la constitution d’une garantie n’y changeait rien. Il s’agissait d’une simple mise en exergue des obligations que le locataire devait exécuter en premier, conformément au contrat signé. Du reste, le bailleur avait valablement offert de mettre à disposition les locaux en fixant un rendez-vous pour la remise des clés. L’absence du locataire à l’état des lieux devait s’interpréter comme une renonciation de sa part de prendre possession des locaux. 

Devant le Tribunal fédéral, arguant entre autres que toute personne mise à sa place aurait compris, à la lecture du deuxième courrier de la régie, que l’entrée en vigueur du contrat était subordonnée au paiement du premier loyer et de la constitution d’une garantie, A voit son recours rejeté. Notre Haute cour, appelée à se prononcer sous l’angle de l’arbitraire, a confirmé l’appréciation du Tribunal cantonal.

Ce cas ne présente pas d’aspects juridiques profondément complexes. Il y est principalement question de distinguer la conclusion du contrat de son exécution. Malgré un état de fait plutôt clair, cette distinction peut toutefois prêter à confusion si l’on considère la décision de première instance. 

L’intérêt que l’on peut en retirer réside alors dans le fait que les bailleurs ont tout intérêt à inclure une clause expresse indiquant que le contrat est réputé conclu une fois signé par les deux parties. Sauf convention contraire, la remise des clés ne constitue alors qu’une obligation d’exécution et peut donc être conditionnée à une contreprestation du locataire. Il est toutefois primordial d’avoir valablement offert au locataire de l’exécuter si l’on veut se prévaloir du contrat pour obtenir une mainlevée provisoire pour des loyers échus.