Autorisation de construire une installation de téléphonie mobile 5G: recours rejeté

Arrêt du 14 février 2023 (1C_100/2021)

Cette affaire concerne une autorisation de construire relative à une installation de téléphonie mobile comportant des antennes adaptatives. Est notamment invoqué une violation du principe de précaution et l’inadéquation du système d’assurance qualité («AQ»). Notre Haute Cour a rejeté ce recours en considérant notamment les points suivants.  

S’agissant du principe de précaution, les recourants soutiennent que les valeurs limites actuellement fixées (en particulier le chiffre 64 de l’annexe 1 ORNI) ne sont pas compatibles avec le principe de précaution et violent aussi bien la loi sur la protection de l’environnement (« LPE ») que la Constitution fédérale.

L’arrêt en question rappelle que l’ORNI a été édictée en faveur de la protection contre le rayonnement non ionisant généré par l’exploitation d’installations fixes. Celle-ci prévoit, pour la protection contre les effets thermiques scientifiquement prouvés, des valeurs limites d’immissions qui ont été reprises par la Commission internationale de protection contre le rayonnement non ionisant (ICNIRP) et qui doivent être respectées partout où des personnes peuvent séjourner.

Afin de concrétiser le principe de précaution selon l’art. 1, al. 2 et l’art. 11, al. 2 LPE, le Conseil fédéral a en outre fixé des valeurs limites de l’installation inférieures aux valeurs limites d’immissions. Les valeurs limites de l’installation ne présentent pas de lien direct avec des dangers avérés pour la santé, mais ont été fixées en fonction des possibilités techniques et d’exploitation ainsi que de la viabilité économique, afin de réduire au maximum le risque d’effets nocifs, dont certains ne sont que supposés et pas encore prévisibles (cf. 1C_100/2021, consid. 5.3.2 et références citées).

L’OFEV est chargé, en tant qu’autorité spécialisée compétente, de suivre la recherche internationale correspondante ainsi que l’évolution technique et, le cas échéant, proposer une adaptation des valeurs limites réglementées dans l’ORNI, et non du Tribunal fédéral (cf. 1C_100/2021, consid. 5.3.2).

Il ressort en outre de la consultation de l’OFEV que celui-ci a convoqué en 2014 le groupe consultatif d’experts RNI (= rayonnement non ionisant ; BERENIS) pour lui apporter un soutien technique, ce groupe réunissant des chercheurs de premier plan dans ce domaine au niveau suisse. Au niveau international, de tels organes sont l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et son agence spécialisée dans le cancer, le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), ou l’ICNIRP. (Cf. 1C_100/2021, consid. 5.4.1 et références citées).

L’OFEV affirme que les études ne permettent pas de déterminer s’il existe des effets à long terme ou des effets sur la santé humaine. Selon BERENIS, des indices d’une modification de l’équilibre oxydatif ont été trouvés pour un grand nombre de types de cellules, de temps d’exposition et de doses, et que ceux-ci sont tout à fait apparus dans la zone des valeurs limites. Étant donné que certaines études sont entachées d’incertitudes ou de faiblesses méthodologiques et que les données disponibles pour certains systèmes d’organes sont peu complètes, des études plus approfondies dans des conditions standardisées sont nécessaires pour mieux comprendre ces phénomènes et observations. (Cf. consid. 5.5.1 et références citées).

En tout état de cause, le Tribunal fédéral retient que les recourants n’étaient pas parvenus à démontrer que les autorités spécialisées compétentes de la Confédération ou le Conseil fédéral, en tant qu’auteur de l’ordonnance, seraient restés inactifs face à un danger ou à une nuisance scientifiquement prouvée ou fondée sur l’expérience et auraient omis de proposer ou de procéder à une adaptation nécessaire des valeurs limites. Selon le Tribunal fédéral, les autorités cantonales ont donc appliqué à juste titre les valeurs limites d’immissions et d’installations en vigueur de l’ORNI. Il n’y a pas de violation du principe de précaution en l’espèce. (Cf. 1C_100/2021, consid. 5.7).

S’agissant du système AQ, le Tribunal fédéral se réfère à l’arrêt du 3 septembre 2019 selon lequel, jusqu’à présent, il n’a pas vu d’éléments permettant de nier l’adéquation des systèmes AQ (cf. arrêt 1C_97/2018 du 3 septembre 2019, consid. 7 et références citées). Dans l’arrêt précité, il a considéré que les écarts constatés dans un canton pour les antennes de téléphonie mobile par rapport aux réglages autorisés ne constituaient pas une base suffisante pour conclure à l’échec général des systèmes AQ. L’ampleur des écarts ainsi que leurs conséquences sur l’exposition au rayonnement non ionisant dans les lieux à utilisation sensible (LUS) ne sont pas connues et les constatations correspondantes concernant d’autres cantons font défaut. Il n’y a donc actuellement aucune raison d’exiger un contrôle par des mesures de construction concernant la hauteur et la direction d’émission des antennes de téléphonie mobile (arrêt 1C_97/2018 du 3 septembre 2019 consid. 8.3).

Dans l’arrêt précité, le Tribunal fédéral a toutefois demandé à l’OFEV de procéder à nouveau, après 2010/2011, à un contrôle à l’échelle nationale du bon fonctionnement des systèmes AQ ou de les coordonner. Le flux de données ou le transfert de données de l’installation réelle vers la banque de données AQ doit également être vérifié par des contrôles sur place.

Pour l’heure, le Tribunal fédéral retient qu’il n’y a pas lieu de nier l’adéquation des systèmes AQ.

Cet arrêt réaffirme la confiance du Tribunal dans les processus scientifiques en place pour évaluer les risques liés aux rayonnements non ionisants issus des installations de téléphonie mobile, tout en reconnaissant la nécessité de continuer à surveiller les progrès scientifiques dans ce domaine.

Il convient de relever que conformément à la demande du Tribunal fédéral, l’OFEV a commandé la réalisation de contrôles sur site pour une sélection de 20 installations de téléphonie mobile en 2022. Ce projet intègre en sus les contrôles que cinq services cantonaux chargés de la protection contre le rayonnement non ionisant ont fait réaliser sur 56 installations. Les résultats et les enseignements des 76 contrôles sur site sont présentés sommairement dans un rapport publié le 2 avril 2024. Se posera dès lors la question de savoir si la position du Tribunal fédéral demeura inchangée au vu desdits résultats, lesquels révèlent un certain nombre de défauts.