Remise en état de constructions illégales en zone agricole

TF 1C_112/2023 du 15 décembre 2023

Faits

La société B.__SA, spécialisée dans les activités équestres, détient la propriété de vastes parcelles en zone agricole à Jussy, dans le canton de Genève. Sur ces terrains, la société a érigé diverses structures destinées à soutenir son exploitation, notamment un manège, écurie, une maison d’habitation, des boxes à chevaux, ainsi que des aménagements extérieurs tels qu’un paddock, un hangar, des serres et un parking à vans. En sus du fait que ces constructions aient été réalisées sans autorisations formelles, elles ont été utilisées à des fins non agricoles depuis les années 1960.

Face à cette situation, les autorités cantonales ont pris des mesures coercitives pour mettre fin à ces infractions aux règles d’urbanisme. Le Département du territoire de la République et canton de Genève a ordonné à B.__SA de démolir les structures illégales et de remettre les terrains en état conformément aux prescriptions légales.

En dépit du refus des autorités et des décisions de justice confirmant ces mesures coercitives, B.__SA a maintenu sa position et a décidé de contester ces décisions devant les tribunaux. 

La Cour de justice de Genève a rejeté les recours de la société, soulignant l’importance des intérêts publics en matière d’aménagement du territoire, notamment le respect des principes de séparation entre zones bâties et non-bâties et des limitations de construction en zone agricole. Elle a également noté que les propriétaires étaient conscients des contraintes réglementaires et ne pouvaient pas prétendre avoir obtenu une autorisation tacite de construire de bonne foi.

B.__SA a recouru devant le Tribunal fédéral. Les recourants ont ainsi demandé l’annulation des décisions de démolition et de remise en état du terrain, contestant notamment l’appréciation des autorités cantonales et judiciaires sur la légalité de leurs constructions.

Droit

Après avoir analysé et établi la recevabilité, le Tribunal fédéral se penche sur les griefs invoqués par les recourants. Le Tribunal examine les arguments des recourants concernant (1) la violation de l’art. 22 de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire (LAT) ainsi que (2) la prétendue violation arbitraire des dispositions de la loi genevoise sur les constructions et les installations diverses (LCI).

1. Violation de l’art. 22 LAT

Les recourants invoquent une prétendue violation de l’art. 22 LAT, arguant que les serres-tunnels, la cour, les parkings et le chemin litigieux ne constituent pas des installations soumises à autorisation de construire. 

Le Tribunal examine attentivement cette question.

a) Interprétation de l’art. 22 LAT 

Le Tribunal rappelle que l’art. 22 LAT exige une autorisation préalable pour toute création ou transformation d’une construction ou installation. Cette disposition vise à permettre aux autorités de contrôler la conformité des projets aux plans d’affectation et aux réglementations en vigueur. La jurisprudence a précisé que sont considérées comme des constructions ou installations toutes les modifications durables et fixes de l’espace extérieur par l’homme, ayant un impact sur l’affectation du sol.

b) Application aux éléments litigieux 

En examinant les serres-tunnels, la cour, les parkings et le chemin en question, le Tribunal constate qu’ils sont tous installés de manière durable et fixe, même s’ils peuvent être démontables. De plus, leur dimension et leur impact visuel sur le paysage confirment leur caractère soumis à autorisation de construire. Ainsi, contrairement aux affirmations des recourants, ces éléments relèvent bien de la notion de construction ou d’installation au sens de l’art. 22 LAT.

En conséquence, le Tribunal conclut que les serres-tunnels, la cour, les parkings et le chemin litigieux doivent être assujettis à une autorisation de construire, conformément à l’art. 22 LAT. Cette analyse confirme la position de l’autorité précédente et constitue un élément essentiel du rejet du recours des demandeurs.

2. Violation arbitraire des dispositions de la LCI

Les recourants font également valoir une violation des dispositions de la loi genevoise sur les constructions et les installations diverses (LCI), notamment en ce qui concerne la remise en état des installations litigieuses. Le Tribunal examine attentivement ce grief, en se concentrant sur l’application du principe de proportionnalité.

a) Application du principe de proportionnalité 

Le Tribunal rappelle que le principe de proportionnalité exige que toute mesure étatique soit nécessaire, apte à atteindre son but et raisonnable pour les parties concernées. Il examine ensuite si l’autorité précédente a appliqué ce principe de manière adéquate dans le cas présent.

La loi fédérale dispose que les constructions illégales doivent généralement être rendues conformes à la réglementation en vigueur, afin de maintenir la séparation entre zones bâties et non bâties. Cela garantit une utilisation du sol en accord avec la constitution et évite de récompenser un comportement contraire à la loi. La remise en état vise également à limiter les constructions en zone agricole, tout en assurant l’égalité devant la loi.

b) Analyse de la décision de l’autorité précédente 

Le Tribunal fédéral analyse les raisons invoquées par l’autorité précédente pour ordonner la remise en état des installations litigieuses, tout en renonçant à cette démarche pour d’autres éléments. Il examine la pesée des intérêts effectuée par l’autorité précédente et conclut que cette dernière a correctement appliqué le principe de proportionnalité.

Le Tribunal fédéral examine les arguments des recourants concernant l’importance des installations pour l’exploitation du manège et les différences de traitement entre certains éléments. Il estime que ces arguments n’infirment pas la décision de l’autorité précédente, qu’il considère raisonnable.

En conséquence, le recours est rejeté.