Arrêt du TF 4A_357/2024 du 13 mars 2025
Le fardeau de la preuve du propriétaire qui se prévaut de la garantie pour les défauts
A. et B. (les acheteurs) ont conclu avec la société C. SA (la venderesse) un contrat de vente pour l’acquisition d’un lot de propriété par étages.
Ayant découvert des malfaçons (canalisations et drainage notamment), les acheteurs en ont avisé la venderesse afin qu’elle y remédie. Cette dernière ne s’étant pas exécutée, les acheteurs ont saisi la Chambre patrimoniale vaudoise d’une action en réduction du prix de vente égale au coût de l’élimination des défauts.
Les acheteurs ont obtenu gain de cause en première instance, mais ont été déboutés par la Cour cantonale suite à un appel formé par la venderesse. La Cour cantonale a considéré que les acheteurs n’avaient pas suffisamment allégué ni prouvé que l’avis des défauts avait été donné à temps, se contentant d’alléguer que « les défauts de la chose vendue ont été avisés immédiatement après leur découverte », sans plus de précisions.
La venderesse, de son côté, a contesté ces allégations sans motivation détaillée, ce que la Cour cantonale a jugé suffisant. Elle a aussi écarté l’argument des acheteurs selon lequel la venderesse aurait renoncé à invoquer la tardiveté de l’avis des défauts, considérant que la simple reconnaissance de défauts ne suffisait pas à caractériser une telle renonciation.
Saisi d’un recours en matière de droit civil, Tribunal fédéral a été appelé à trancher deux points : la suffisance de l’allégation et de la preuve de l’avis des défauts, ainsi que l’éventuelle renonciation de la venderesse à se prévaloir de sa tardiveté.
La garantie pour les défauts dont bénéficie l’acheteur contre le vendeur est réglée à l’art. 197 CO. Afin de conserver son droit à la garantie, l’acheteur doit :
- Vérifier la chose livrée, et cas échéant
- Signaler les défauts durant le délai de garantie contractuel.
Si des défauts cachés (que l’acheteur ne pouvait découvrir à l’aide des vérifications usuelles) se révèlent plus tard, l’art. 201 al. 3 CO prescrit de les signaler immédiatement, sinon la chose est tenue pour acceptée, même avec ses défauts.
Lorsque l’acheteur fait valoir des prétentions en garantie contre le vendeur, ce dernier peut objecter que la chose a été acceptée en dépit de ses défauts. Cas échéant, il doit en faire l’allégation topique, à charge ensuite pour l’acheteur de prouver qu’il a donné l’avis des défauts à temps, conformément aux exigences de l’art. 221 al. 1 let. d CPC, respectivement de l’art. 222 al. 2 CPC.
Dans cette affaire, le Tribunal fédéral a suivi l’avis de la Cour cantonale, considérant que :
- Les acheteurs n’avaient pas suffisamment allégué ni prouvé la date de signalement défauts à la venderesse, ni détaillé le moment exact de la connaissance des défauts, et
- La contestation sommaire de la venderesse quant au respect du délai prescrit pour l’avis des défauts était suffisante.
Cela étant, Tribunal fédéral a poursuivi son analyse afin de déterminer si la venderesse avait renoncé à se prévaloir de l’avis tardif des défauts. Notre Haute Cour rappelle que cette renonciation peut être expresse ou tacite, par exemple lorsque l’entrepreneur, en connaissance de l’avis tardif, entreprend sans réserve la réfection de l’ouvrage ou reconnaît l’obligation d’éliminer le défaut. Le fait que l’entrepreneur prenne connaissance de l’avis des défauts sans faire d’objections sur le retard ne signifie pas, à lui seul, qu’il renonce à se prévaloir du retard. Le fardeau de la preuve d’une renonciation incombe au maître qui s’en prévaut.
En l’espèce, le Tribunal fédéral est arrivé à la conclusion que la venderesse s’était expressément et sans réserve engagée dans la correction des défauts, ce qui était renforcé par le fait qu’elle avait engagé des procédures contre ses sous-traitants ce qui, selon le Tribunal fédéral, « ne peut que signifier son engagement à vouloir remédier aux défauts et à rendre compte » envers les acheteurs.
La venderesse a donc renoncé à se prévaloir de la tardiveté de l’avis des défauts, de sorte que le recours des acheteurs a été admis et la cause a été renvoyée à la Cour cantonale pour nouvelle décision.