Le 27 août 2019, le Département des constructions et des technologies de l’information de la République et du canton de Genève (aujourd’hui le Département du territoire) a accordé à un maître d’ouvrage une autorisation de construire complémentaire, référencée sous DD 105827/2 portant sur des modifications partielles de la façade nord du bâtiment concerné. La validité de l’autorisation en question a ensuite été prolongée jusqu’au 6 décembre 2020.
Le 21 novembre 2022, le maître d’ouvrage a annoncé au Département l’ouverture du chantier.
Le 7 décembre 2022, les voisins ont sollicité du Département qu’il constate la caducité de l’autorisation de construire querellée, au sens de l’article 4 al. 5 LCI.
Le 30 janvier 2023, le Département leur a répondu que l’autorisation de construire DD 105827/2 était entrée en force, qu’elle avait régulièrement été prolongée jusqu’au 6 décembre 2022 et également que les travaux avaient été démarrés en temps utile. Dès lors la question de savoir si cette autorisation était devenue caduque ne se posait plus.
Le 13 février 2023, les voisins ont contesté cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance qui a rejeté leur recours.
Par arrêt du 30 janvier 2024, la Cour de justice a à son tour rejeté le recours déposé contre le jugement de première instance, considérant que le chantier avait effectivement été ouvert et les travaux entrepris avant l’échéance de l’autorisation de construire, soit avant le 6 décembre 2022.
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, les recourants demandent principalement au Tribunal fédéral d’annuler l’arrêt de la Cour de justice, d’annuler la décision du Département du 30 janvier 2023 et enfin de constater la caducité de l’autorisation de construire DD 105827/2.
Ces derniers invoquent notamment une application arbitraire de l’art. 4 al. 5 de la loi genevoise sur les constructions (LCI), qui prévoit que l’autorisation de construire devient caduque si les travaux ne commencent pas dans les deux ans suivant sa publication.
Le commencement des travaux, au sens de l’art. 33A du règlement sur les constructions (RCI), implique l’ouverture effective du chantier et la poursuite de la construction. Il s’agit d’un délai de péremption nécessitant un acte concret du bénéficiaire de l’autorisation pour éviter la caducité l’autorisation.
La Chambre administrative de la Cour de justice avait alors considéré que l’ampleur des travaux n’était pas déterminante. Ce qui importe est l’ouverture du chantier et la poursuite de l’ouvrage qui doivent interprétées de manière large.
Elle considérait que des interventions concrètes avaient été menées dès le 21 novembre 2022 par l’installation de barrières ou encore un constat d’huissier. Par la suite, d’autres travaux techniques ont suivi (démontage de systèmes, sondages, diagnostics). L’absence de grue ou de bennes n’étant pas jugée décisive.
Par ces interventions, le maître d’ouvrage a ainsi démontré et manifesté sa volonté constante de réaliser le projet pour lequel elle avait obtenu l’autorisation querellée.
Partant, la Cour de justice avait considéré que les travaux avaient débuté avant le 6 décembre 2022 qui correspondait à la date d’échéance de l’autorisation.
Dans leurs griefs, les recourants soutiennent que les travaux effectués avant le 6 décembre 2022 ne seraient pas suffisants pour que le chantier puisse être considéré comme ayant débuté. Ils considèrent qu’aucune activité n’était visible de l’extérieur, qu’aucune installation de chantier, telle que bennes à gravats ou échafaudages, n’avait été mise en place et que les interventions effectuées ne constitueraient que des travaux préparatoires et ne sauraient constituer un véritable début de chantier. Ils se réfèrent au surplus à l’arrêt du Tribunal fédéral 1C_202/2020 du 17 février 2021, qui porte sur la caducité d’une autorisation de construire valaisanne, et à un article de doctrine (ZUFFEREY JEAN-BAPTISTE, Pour construire, il faut un permis, in Journées suisses du droit de la construction 2023, 2023, p. 43) pour définir l’ampleur des travaux qui doivent être effectués afin que le chantier soit considéré comme entamé. Le Tribunal fédéral rejette ces griefs et considère qu’il n’y a pas eu d’arbitraire dans l’interprétation de l’art. 4 al. 5 LCI par la Cour de justice.
Or, une telle exigence n’était pas requise par le droit genevois, les
art. 4 al. 5 LCI et 33A RCI ne faisant aucune référence à l’ampleur des travaux.
Notre Haute Cour a confirmé la position des juridictions en estimant que les travaux initiés avant l’échéance — démontage intérieur, sondages, mise en place de barrières et équipement du chantier — suffisent à caractériser un début effectif de réalisation du projet. Elle rappelle que, selon la pratique genevoise, l’intensité des travaux requis pour interrompre le délai de caducité est modéré, contrairement à d’autres cantons, notamment le Valais.
Le grief tiré du droit d’être entendu est également écarté, le Tribunal fédéral estimant que la Chambre administrative de la Cour de justice a traité de manière suffisante les arguments pertinents. Quant aux faits allégués, ceux-ci ne sont ni manifestement inexacts ni établis de manière arbitraire.
Partant, le recours est rejeté et les recourants sont condamnés aux frais de justice et à verser des dépens à l’intimée.
En conclusion, cet arrêt illustre et confirme la marge d’appréciation reconnue aux autorités cantonales en matière d’ouverture de chantier, et ce, dans le cadre du contrôle de la validité temporelle des permis de construire.