Incivilités du locataire établies par pièces – L’évacuation immédiate fondée sur une résiliation anticipée au sens de l’art. 257f al. 3 CO peut être ordonnée en procédure en cas clair.
Faits
A., locataire, et B., bailleresse, ont conclu un contrat de bail portant sur la location d’un appartement situé dans un immeuble à Genève. A. occupe l’appartement avec son fils majeur C., qui souffre de troubles psychiques et est placé sous curatelle de représentation et de gestion.
En début d’année 2025, la régie de l’immeuble reçoit de nombreuses plaintes de locataires de l’immeuble concernant C., en raison de son comportement agressif envers le voisinage, de dégradations volontaires des parties communes de l’immeuble et d’atteinte à la tranquillité du voisinage. Les plaintes des voisins à la régie sont largement détaillées et sont parfois accompagnées de photographies. La police intervient à multiples reprises et plusieurs plaintes pénales sont déposées par les voisins. La, situation ne cesse toutefois de se dégrader.
Sur requête de mesures provisionnelles formée par la bailleresse, le Tribunal de première instance a fait interdiction à C. d’approcher l’immeuble et d’en perturber la tranquillité, sous la menace de la peine prévue à l’art. 292 CP. Nonobstant cette injonction, C. continue de troubler le voisinage.
En juin 2025, la régie de l’immeuble met en demeure A. de prendre immédiatement toutes les mesures utiles pour ne plus perturber la tranquillité de l’immeuble et des voisins, en refusant l’accès à l’immeuble à son fils C. et en cessant de l’héberger. Malgré cet avertissement, la situation ne cesse de se péjorer.
Face à cette situation, B. n’a d’autre choix que de résilier le bail de A. de manière anticipée, en application de l’art. 257f al. 3 CO, au motif que le maintien du bail est devenu insupportable.
A. conteste le congé anticipé et sollicite subsidiairement l’octroi d’un délai humanitaire d’une année, ne bénéficiant pas de solution de relogement. Il ne conteste toutefois pas les motifs du congé fondé sur l’art. 257f al. 3 CO et reconnaît que son fils souffre de troubles psychiques susceptibles de perturber la tranquillité de l’immeuble.
A. n’ayant pas quitté l’appartement à l’échéance du délai de congé extraordinaire d’un mois pour la fin d’un mois, B. saisit le Tribunal des baux et loyers d’une requête en évacuation du locataire A. et de son fils C. en procédure en cas clair.
Droit
L’art. 257 al. 1 CPC permet l’application de la procédure sommaire lorsque (1) l’état de fait n’est pas litigieux ou est susceptible d’être immédiatement prouvé et (2) la situation juridique claire, c’est-à-dire que la norme s’impose de manière évidente sans appréciation du juge.
Lorsque le maintien du bail est devenu insupportable pour le bailleur ou pour les personnes habitant la maison parce que le locataire, nonobstant une protestation écrite, persiste à enfreindre son devoir de diligence ou à manquer d’égards envers les voisins, le bailleur peut résilier le contrat avec effet immédiat (art. 257f al. 3 CO).
Enfin, selon l’art. 267 al. 1 CO, le locataire est tenu de restituer la chose à la fin du bail.
En l’espèce, le Tribunal des baux et loyers a considéré que les conditions de l’art. 257f al. 3 CO étaient manifestement réunies. B. a démontré, par pièces, que les incivilités provenaient de C., le fils de A. qui est son auxiliaire. Le Tribunal des baux et loyers a considéré que les atteintes causées au voisinage étaient graves, motivant le dépôt de plusieurs plaintes pénales et le prononcé de mesures provisionnelles à son encontre. Une mise en demeure a été adressée à A., qui a toutefois persisté à enfreindre son devoir de diligence et à manquer d’égards envers les voisins. En effet, le comportement de son fils C. lui était opposable en tant qu’il était son auxiliaire. Le bail ayant été valablement résilié, A. et son fils C. ont néanmoins continué d’occuper l’appartement sans droit, de sorte que B. était fondée à requérir leur évacuation.
Le Tribunal a retenu que l’examen de la cause ne requérait aucun pouvoir d’appréciation : les faits étaient immédiatement prouvés par les pièces produites par B. et l’admission – tacite – par le locataire A. de ce que le comportement de son fils C. était problématique – et la situation juridique s’imposait de manière évidente. Il a dès lors admis le cas clair et a prononcé l’évacuation de A. et de son fils C.
À titre subsidiaire, A. a sollicité du Tribunal qu’il sursoie à l’exécution du jugement d’évacuation pour des motifs humanitaires, afin de lui permettre de se reloger (art. 30 al. 4 LaCC).
Le Tribunal des baux et loyers a toutefois constaté qu’en dépit des mesures provisionnelles prononcées à l’encontre de C., la situation dans l’immeuble ne s’était pas améliorée et les incivilités ont perduré avec une intensité croissante.
Dès lors aucun délai humanitaire n’a été accordé à A. compte tenu de la gravité des circonstances retenues précédemment.
L’évacuation a ainsi été prononcée avec effet immédiat.